Task Force sur l’IA aux États-Unis : progrès réel ou simple stratégie politique ?
24 février 2024
Face aux progrès vertigineux de l’intelligence artificielle, il est essentiel que les législateurs élaborent une base réglementaire solide pour protéger les consommateurs et promouvoir l’innovation. Aux États-Unis, la Chambre des représentants a récemment mis en place un groupe de travail sur l’IA afin de« veiller à ce que l’Amérique continue à jouer un rôle de premier plan dans ce domaine stratégique« .
L’annonce du groupe de travail
L’annonce de la création de la task force a été accueillie avec un mélange d’espoir et de scepticisme. D’une part, il est encourageant de voir le Congrès agir sur une question aussi importante qui attire d’énormes investissements dans le secteur technologique. D’autre part, l’annonce semble n’être qu’un geste politique pour montrer son engagement sans fournir d’orientation claire ou de délais concrets.
Le groupe de travail sera présidé par les représentants californiens Ted Lieu et Jay Obernolte, tous deux engagés dans les questions technologiques. M. Lieu a souligné l’importance de veiller à ce que l’intelligence artificielle ait un effet positif sur la société plutôt que de lui nuire, tandis que M. Obernolte a souligné l’importance de protéger les consommateurs et de promouvoir l’investissement et l’innovation dans le domaine de l’IA.
Un rappel des responsabilités ?
Malgré la mise en place de la Task Force, de nombreux doutes se posent quant à son efficacité réelle. Le Congrès américain est souvent l’otage d’une partisanerie et d’un obstructionnisme déconcertants, ce qui rend difficile d’imaginer qu’un groupe de travail bipartisan puisse produire des résultats significatifs, en particulier au cours d’une année électorale historiquement conflictuelle.
En outre, il est important de noter que de nombreuses agences gouvernementales, y compris la Maison Blanche et l’Union européenne, ont déjà publié des « rapports complets » et recommandé une action législative sur la question de l’IA. Alors pourquoi un autre groupe de travail ? Il semblerait que le Congrès se soit rendu compte qu’il était le dernier acteur majeur à agir sur cette question et qu’il ait décidé de faire au moins un petit pas pour montrer qu’il s’engageait à légiférer à l’avenir.
Une prise de conscience tardive
La création du groupe de travail intervient à un moment où de plus en plus de personnes craignent que l’IA ne menace leur emploi ou n’automatise des processus qui nécessitaient autrefois une intervention humaine. De nombreux électeurs s’inquiètent de la manière dont l’IA pourrait affecter leur vie quotidienne et l’avenir de l’économie. Face à ces inquiétudes, le législateur pourrait répondre : « Mais nous avons créé une task force sur l’IA ! ». Cependant, l’Union européenne a mis en place son groupe de travail dès la pandémie, ce qui suggère que le Congrès américain est en retard par rapport à d’autres entités.
Les limites de la task force
Malgré l’annonce de la création de la task force, aucun détail n’a été fourni sur une éventuelle feuille de route ou sur des objectifs spécifiques que les électeurs ou les groupes de surveillance pourraient utiliser pour évaluer l’efficacité de la task force. Même le rapport final que la task force « tentera » de produire semble laisser planer le doute quant à sa réalisation effective.
De plus, avec la possibilité que les agences gouvernementales ayant une expertise dans le domaine soient limitées par les décisions de la Cour Suprême, il est difficile d’imaginer quelle structure réglementaire sera en place dans un an. Si la FTC, la FCC, la SEC, l’EPA ou toute autre agence devait être empêchée judiciairement d’agir à partir de 2025, comment pourront-elles contribuer à la protection des consommateurs et à la promotion de l’innovation dans le secteur de l’IA ?