Lorsque les utilisateurs ont découvert les nouvelles conditions d’utilisation d’Adobe (mises à jour discrètement en février), une vague d’indignation a déferlé. Adobe avait informé les utilisateurs qu’elle pouvait accéder à leur contenu « par des méthodes automatisées et manuelles » et utiliser « des techniques telles que l’apprentissage automatique pour améliorer [ses] services et logiciels ». Beaucoup ont interprété cette mise à jour comme une tentative de l’entreprise de forcer les utilisateurs à accorder un accès illimité à leur travail afin d’entraîner l’intelligence artificielle générative d’Adobe, connue sous le nom de Firefly.
La réaction de la communauté créative
Après les protestations des artistes, Adobe a publié une clarification : dans une nouvelle version de ses conditions de service, l’entreprise s’est engagée à ne pas entraîner l’IA sur le contenu des utilisateurs stocké localement ou dans le nuage et a donné aux utilisateurs la possibilité de se retirer de l’analyse du contenu. Toutefois, de nombreux artistes restent sceptiques quant aux intentions réelles d’Adobe.
Jon Lam, artiste principal de storyboard chez Riot Games, déclare : « Ils ont déjà trahi notre confiance », faisant référence à la manière dont l’artiste primé Brian Kesinger a découvert que son travail était vendu sans son consentement sur la plateforme de stock d’images d’Adobe sous la forme d’images générées. L’héritage du photographe Ansel Adams a également réprimandé publiquement Adobe pour avoir prétendument vendu des imitations de ses œuvres générées par l’IA.
La position d’Adobe et les préoccupations des artistes
Scott Belsky, directeur de la stratégie d’Adobe, a cherché à rassurer les artistes en précisant que l’apprentissage automatique faisait référence aux outils d’IA non génératifs d’Adobe, tels que l’outil « Content Aware Fill » de Photoshop. Cependant, malgré les assurances d’Adobe, des artistes comme Lam restent convaincus que l’entreprise utilisera les œuvres créées sur sa plateforme pour entraîner Firefly sans le consentement des créateurs.
La question de la propriété intellectuelle et de l’IA générative
Les inquiétudes concernant l’utilisation non consensuelle et la monétisation d’œuvres protégées par le droit d’auteur par des modèles d’IA générative ne sont pas nouvelles. L’artiste Karla Ortiz a réussi à générer des images de ses œuvres en utilisant son nom sur divers modèles d’IA générative, ce qui a donné lieu à un recours collectif contre Midjourney, DeviantArt et Stability AI. L’artiste fantastique polonais Greg Rutkowski a également découvert que son nom était l’une des invites les plus utilisées dans Stable Diffusion lors du lancement de l’outil en 2022.
Le monopole d’Adobe et les défis pour les artistes
Propriétaire de Photoshop et créateur de PDF, Adobe domine le secteur de la création depuis plus de 30 ans. Sa tentative d’acquisition de la société de conception de produits Figma a été bloquée et abandonnée en 2023 pour des raisons antitrust, ce qui reflète sa taille.
Inquiétudes concernant la formation de Firefly
Adobe affirme que Firefly est « formé de manière éthique » sur Adobe Stock, mais Eric Urquhart, un contributeur d’images de stock de longue date, insiste sur le fait qu' »il n’y a rien d’éthique dans la manière dont Adobe a formé l’IA pour Firefly », soulignant qu’Adobe ne possède pas les droits sur les images des contributeurs individuels. À l’origine, M. Urquhart avait téléchargé ses images sur Fotolia, un site de stockage d’images, où il avait accepté des conditions de licence qui ne spécifiaient aucune utilisation de l’IA générative. Fotolia a ensuite été rachetée par Adobe en 2015, qui a discrètement apporté des modifications à ses conditions de service, ce qui a permis à l’entreprise d’entraîner Firefly en utilisant les photos d’Urquhart sans son consentement explicite.
L’impact sur les artistes et les initiatives réglementaires
Depuis l’introduction de Firefly, certains artistes ont pris la décision difficile de se désabonner d’Adobe et de passer à des outils tels qu’Affinity et Clip Studio. D’autres se sentent liés de force au logiciel. Professionnellement, je ne peux pas abandonner Adobe », déclare M. Urquhart.
Par le passé, Adobe a reconnu sa responsabilité à l’égard de la communauté créative. En septembre 2023, la société a annoncé l’initiative législative Federal Anti-Impersonation Right (FAIR), qui vise à protéger les artistes contre l’appropriation illicite de leurs œuvres. Toutefois, l’efficacité de cette loi a été remise en question, car elle ne protégerait pas les œuvres « générées accidentellement » dans le style d’un artiste.
Outre Adobe, d’autres organisations trouvent de nouveaux moyens d’authentifier les œuvres et de prévenir le vol de la propriété intellectuelle. Une équipe de chercheurs de l’université de Chicago a mis au point Nightshade, un outil qui « empoisonne » les données d’entraînement et endommage les itérations des modèles de génération d’images par l’IA, et Glaze, un outil qui aide les artistes à « masquer » leur style caractéristique aux entreprises d’IA.
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